|
|
 |
|
 |
La démonstration fut magistrale. Tada, confronté à la plus traditionnelle des techniques, au coeur d’un des plus anciens ateliers de gravure de Paris, sut s’approprier le lieu et le travail dans un esprit fondamentalement ouvert à la discipline, en même temps que déterminé à la dompter, la contourner, la bousculer et la mener là où personne jusqu’alors n’avait tenté l’inconciliable : fixer l’image en mouvement.
Il s’agit de projeter un film sur la plaque et d’en inscrire le déroulé. Contrairement à la nature qui est le centre de sa recherche vidéo, Tada se tourne là vers l’homme. Il s’est filmé lui même, et sera donc l’étalon de l’Homme universel. Suffisamment imprécis pour être reconnaissable via cette image, il métamorphose ces autoportraits qui deviennent portraits de tous et de chacun. Il convient tout d’abord de décomposer les états successifs de l’image qu’il ne laisse pas naturellement évoluer : il la fragmente, et à chaque étape, dessine l’ombre ainsi portée sur la plaque. A la façon dont l’homme de Muybridge fut révélé, en quelque sorte……
La lisibilité du motif n’est pas immédiate. L’empreinte du cuivre sur le papier, légère, laisse trace de pointillés qui se posent, se superposent en une arachnéenne composition. Une silhouette apparaît, qui se tend, se tourne et bouge sous nos yeux ; elle se démultiplie comme par jeu et restitue l’élan du personnage filmé dont nous sentons vibrer l’énergie.
Poétiques, virevoltent ça et là les petits signes de Tada, sortes de symboles hiéroglyphiques récurrents, devenus marques de l’artiste pour évoquer sans doute le grouillement de ces humains toujours étranges mais souvent si tendres. Chaque gravure est une fête ! rouge, bleue, violette ! Le ton est donné, en mode majeur ! Telle une invite à la danse, chaque gravure est joie de vivre, joie de jouir de tous nos sens, de sentir et d’aimer. Quelques traits suggérés ont suffi à transfigurer l’éphémère d’une image virtuelle, à l’ancrer dans une réalité tangible ; tout l’art de Tada réside à faire dialoguer les techniques, à déployer son imaginaire dans l’entrelacs des lignes projetées par un film….S’ouvre à nous un univers dynamique où s’affirme un homme créateur, optimiste et joyeux.
Lionelle Courbet |
 |
|
